La souffrance d’un été
Est supportable lorsqu’une fin a été déterminée à l’avance
- Je ne comprends pas, je le vois deux fois par jour pour les mêmes problèmes depuis deux mois et rien ne change…
« Et si le problème n’était pas l’autre ? »
L'été 2024 qui sera une expérience marquante, éprouvante physiquement, mais tellement enrichissante pour l’existence qui est la mienne.
Je ne sais pourquoi je n’ai jamais envisagé de partir au bord de l’eau ou à la montagne en juillet ou en août.
Je n’ai pourtant aucune raison de ne pas profiter aussi d’une période particulièrement agréable, d’apéro sur une terrasse, le visage baigné de soleil, absorbant naïvement une vitamine D, sans devoir se poser de question.
Imaginez-moi me fondre dans la foule de vacanciers, faire la queue pour le brunch, bousculé par la non-éducation d’enfant du wokisme, pour qui avoir passé la cinquantaine vous retire le droit d’avoir la possibilité de vous exprimer, ou d’avoir un avis ou une projection d’un avenir futur.
Non, ne l’imaginez pas !
Je plaisante bien entendu. 🤗
Travailler l'été
La liberté réelle d’un entrepreneur dépend de la demande de ses clients, et l’été 2024 a été une belle opportunité.
J’ai eu la chance d’utiliser toutes mes connaissances acquises depuis quarante ans lors de ce dernier contrat.
Un établissement social m’a démarché pour relever le défi d’encadrer 18 adultes aspirant à travailler dans des cuisines. Cela aurait pu être d’une grande simplicité s’il n’avait pas été nécessaire de créer 40 fiches techniques de plats surgelés, individuelles, à produire à grande échelle.
Cette partie représentait l’expérience de ma première vie. Une expertise de plus de trente ans a ressurgi avec beaucoup de plaisir.
Lorsque l’administration des recettes, bon d’économat et description de l’élaboration des plats effectué, soit la valeur d’un gros livre de cuisine sans photo, j’ai rencontré l’équipe avec qui j’allais travailler, et sortir de mon chapeau ma deuxième expérience de vie professionnelle…
La fondation qui a fait appel à mes services forme des personnes qui ont des problèmes sociaux, de dépendance et des T.S.A.
Si les débuts m’ont demandé beaucoup d’observation, d’incompréhension et de patience, j’ai découvert des personnes toutes différentes, exceptionnelles et attachantes.
J’avais deux défis à relever, produire en deux mois 400 plats individuels de chaque recette proposée, avec une équipe de 18 personnes totalement novices et inadaptées à des cuisines professionnelles.
Intervenants
J’avais la chance d’avoir ponctuellement des intervenants sociaux qui accompagnaient pendant six mois les participants à la formation.
Comme tout praticien adhérent à un ordre professionnel, les intervenants ont la même approche et protocole d’intervention chaque jour, à tout moment, quelle que soit la problématique.
Mon observation face à leur comportement d’action en cas de difficulté est : - Isoler – questionner – calmer – réfléchir.
Les participants en cuisine ont tous des schémas de perception, d’attente et d’envie différents. J’ai observé rapidement les fonctionnements de chacun et saisi leur besoin rapidement. Certains répétaient leurs crises existentielles régulièrement et même plusieurs fois par jour. Leurs protocoles étaient toujours les mêmes avec l’intention d’attirer l’attention.
Lorsque j’étais seul avec eux, je cassais rapidement leur comportement lorsque leur action se dirigeait sans discussion vers une crise.
J’avais remarqué les premiers jours les moments où l’explosion et la colère d’un participant l’emmenait à monter à l’étage dans les bureaux des intervenants sociaux pour échapper à une tâche ou lorsque l’ego avait atteint son point de rupture.
Une à deux heures par jour, un ou plusieurs intervenants mettaient une veste de cuisine pour s’immerger afin d’observer l’évolution des apprentis. C’est comme si lors de ces quelques minutes passé dans la brigade, avec une seule possibilité de perception, le cadre généralisé d’un ordre professionnel, sans laisser la place à l’improvisation face à l’exception, pouvait permettre de percevoir l’évolution et l’essence d’une difficulté.
Je garde sans cesse à l’esprit, que tout comportement a un besoin à combler.
Sortir du cadre
Malheureusement, les formations d’accompagnement à la personne, ne laissent pas assez de place à la possibilité d’intervenir autrement face à l’exception. Comme nous sommes tous l’exception, vouloir généraliser crée des automatismes giratoires qui ne trouvent pas de solution.
Notre cerveau à la fâcheuse tendance à juger ce qu’il perçoit avec ses propres croyances. Il nomme la problématique avec le nom du symptôme qui se présente, et octroi une explication et un protocole de solution répétitif qui lui est imposé par ses croyances.
Un matin, un participant atteint de T.S.A, a endossé son comportement habituel où il allait s’en prendre à un collègue.
Je voyais le déroulement arrivé ; il lui dirait qu’il ne devait pas lui donner d’ordre, qu’il devait se taire et que ce n’était pas possible d’être aussi bête… il se mettrait à hurler puis montrait à l’étage pour se faire plaindre et reprendre sa place aux yeux des personnes référentes à ses yeux, les intervenants sociaux.
Ce matin, tous les participants étaient en cuisine et deux intervenants m’épaulaient dans la gestion du groupe en production. Lorsque mon participant a commencé à entrer dans son schéma qui l’entrainerait dans la crise, les intervenants l’ont observé. Je lisais en eux ce qu’ils allaient faire, lui demandais de les suivre et de monter à l’étage. Je me suis approché de l’homme avant qu’il enchaine avec les cris :
- Dis-moi, mon ami, j’ai besoin d’une pause et j’ai envie d’être bien accompagné. Ça te dit de venir avec moi ?
Il s’est calmé dans la seconde et est venu discuter tranquillement à l’extérieur une dizaine de minutes. On a pu parler de la valeur de chacun, de la perception que l’on en a et de ce qui est vraiment important de faire ou de dire.
Quelques minutes après mon retour en cuisine, une intervenante est venue me voir, surprise du changement radical de comportement de mon nouvel ami :
- Emmanuel, je ne comprends pas, je le vois deux fois par jour pour les mêmes problèmes depuis deux mois et rien ne change… Je ne sais pas ce que tu lui as dit, mais en quelques minutes, il a atteint un changement d’attitude que l’on n’est jamais arrivé à atteindre.
- Le problème est rarement ce qui est apparent. Régulièrement, il s’engage dans le même comportement, monte vous voir et redescend comme si de rien n’était.
- En effet, on le rencontre souvent et on le connait bien.
- D’accord. Alors que recherche-t-il dans ses crises émotionnelles, je lui demande ?
- Il ne recherche rien. C’est un homme qui ne supporte pas d’être entouré. Il a besoin de travailler seul, sinon il s’en prend aux autres, me répond-elle avec conviction.
- Y aurait-il une autre raison possible ?
- Non, nous avons fait le tour avec les autres intervenants et nous avons les protocoles d’action qui confirment notre raisonnement.
- Parfait ! Maintenant, est-ce que cela s’arrange depuis que vous le connaissez ?
- Non, pas vraiment, me dit-elle… C’est pour cela j’aimerais savoir ce que tu as fait pour changer si rapidement son comportement.
- Il m’a suffi de répondre à son besoin.
- C'est-à-dire ?
- Lui démontrer qu’il existait et que je le voyais. Je lui ai parlé d’égal à égal en cassant une habitude qu’il a mise en place avec vous, les intervenants. Il recherche de l’attention et vous lui en donnez à chaque fois qu’il monte dans les tours. En cassant son schéma de comportement d’action limitant, il a compris qu’il pouvait obtenir de l’attention sans crier.
- Tu penses qu’il manque d’attention ?
- Non, je ne pense pas… je n’ai pas à penser. J’observe le comportement et je regarde ce qu’il a obtenu lorsqu’il revient à la normale.Il est nécessaire d’observer, d’écouter et de passer du temps avec les Hommes pour répondre à leurs besoins.Il n’est pas possible de généraliser, car tout est en mouvement et évolution à chaque instant. Généraliser ce qui se trouve sous la surface, c’est manquer de respect envers l’intelligence de chacun. Socrate a dit que derrière tout espoir, il y a un doute et que derrière chaque doute, il y a de l’espoir. Lorsque j’observe un comportement limitant, je pense à l’espoir qu’il y a derrière l’action. Pour lui, crise égale attention, être dans la lumière, être rassuré et écouté…
Formation accélérée
L’été que je viens de vivre est le plus formateur que la vie a pu m’offrir. Même s’il est un des plus difficiles physiquement ou les remises en question sur ma présence en ce lieu m’a traversé l’esprit de nombreuses fois, il sera celui qui en deux mois, m’a fait gagner 10 ans d’apprentissages.
J’ai appris aussi que l’expérience de la douleur, des connaissances, des remises en question et du partage sont supportables… lorsqu’une fin a été déterminée avant le début des difficultés.
Je n'oublierai plus jamais qu'il est nécessaire de déterminer un calendrier de fin de la souffrance qui m'attend, avant de m'engager dans un projet. Le curseur de la douleur baissera simplement comme un protocole nécessaire pour atteindre le résultat et le plaisir recherché en ce contrat.
Lorsque le plaisir d'atteindre est plus fort que le plaisir de perdre, tout est possible...
Merci à la fondation et à ceux qui m’ont permis d’entrer dans leur monde, merci aux participants et aux intervenants de m’avoir permis d’intégrer cet espace hétéroclite des différences extrêmes.
Faites confiance à la partie qui sait…
Emmanuel
Auteur et essayiste, Hypno-coach exécutif certifié et conférencier,
Emmanuel accompagne des particuliers et des dirigeants d’entreprise dans leur évolution.
Tantôt thérapeute, coach PNListe, enseignant ou mentor, il permet à ses clients de comprendre et d'intégrer les connaissances des fonctionnements des biais cognitifs.
Spécialiste du stress et du sommeil, il aborde tous les problèmes qui pourraient créer un trouble, comme la communication, les désirs de changements et d’engagements, les émotions, les fractures de vie personnelles et professionnelles.
Bien accompagné et parfaitement défini, Emmanuel considère que l'organisation, la discipline et la persévérance sont à la portée de tous.
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